Où investir via vos ETF ? Ces zones géographiques qui porteront la croissance de demain
L’essor des ETF a permis aux investisseurs particuliers d’accéder à une exposition mondiale à moindre coût. Pourtant, la grande majorité des portefeuilles restent concentrés sur les zones développées : États-Unis, Europe, Japon. Or, derrière ces poids lourds historiques de la croissance mondiale se dessine une nouvelle géographie du dynamisme économique.
Avec des tendances démographiques favorables, une élévation rapide du niveau d’éducation et une montée en compétence massive des forces de travail, plusieurs régions aujourd’hui encore marginales dans les allocations globales pourraient bien devenir les piliers économiques des décennies à venir.
Investir via des ETF, ce n’est pas seulement diversifier son portefeuille : c’est aussi choisir une vision du futur. Alors, où se prépare la croissance mondiale de demain ?
Croissance mondiale : un atterrissage en douceur… ou un ralentissement durable ?
Après avoir fait preuve d’une résilience inattendue dans le sillage des crises successives (pandémie, inflation, tensions géopolitiques), l’économie mondiale semble désormais évoluer dans un nouveau régime : celui d’une croissance modérée et structurellement affaiblie.
Selon les dernières prévisions de l’OCDE publiées en mai 2024, le PIB mondial devrait croître de 3 % en 2024, puis légèrement ralentir à 2,9 % en 2025. Ce niveau reste certes positif, mais il est sensiblement en dessous des moyennes observées dans les années 2000 et 2010, où la croissance mondiale oscillait souvent entre 3,5 % et 4 % par an.
Cette décélération ne relève pas d’un simple phénomène conjoncturel. Elle s’inscrit dans une tendance de fond, alimentée par l’affaiblissement progressif des moteurs fondamentaux de la croissance économique. La Banque mondiale, dans ses analyses identifie trois facteurs principaux derrière ce ralentissement global.
Le premier est un sous-investissement chronique, en particulier dans les infrastructures publiques, l’éducation, la santé ou encore la transition énergétique. Dans de nombreux pays, les dépenses d’avenir sont freinées par l’endettement public ou par l’incertitude politique, ce qui limite la capacité à moderniser les outils de production et à renforcer la compétitivité des économies.
Le deuxième facteur tient à l’érosion des gains de productivité. Malgré les progrès technologiques considérables de ces vingt dernières années – digitalisation, intelligence artificielle, automatisation – les gains de productivité dans les économies avancées sont restés décevants. Cette stagnation s’explique en partie par des effets de diffusion lents de l’innovation, mais aussi par la concentration des progrès technologiques dans certains secteurs peu diffusables à l’ensemble de l’économie.
Enfin, le troisième frein majeur concerne le vieillissement de la population active, notamment dans les pays développés mais aussi dans certaines grandes économies émergentes comme la Chine. Le recul du nombre d’actifs, combiné à une baisse du taux de participation au travail, pèse mécaniquement sur le potentiel de croissance à long terme. D’ici à 2050, ce vieillissement pourrait entraîner une diminution progressive de la croissance potentielle mondiale, estimée à –0,25 point par an, selon les projections de la Banque mondiale. Une perte discrète mais cumulative, qui affectera la dynamique économique globale sur plusieurs décennies.
Autrement dit, le monde ne s’effondre pas, mais il ralentit – et ce ralentissement s’installe dans la durée. Dans ce contexte, la recherche de moteurs de croissance alternatifs devient essentielle pour les investisseurs de long terme. Car si les anciens centres de gravité économiques s’essoufflent, d’autres régions, plus jeunes, plus dynamiques, mieux formées, commencent à émerger. C’est là que se prépare la croissance de demain.
Une transition silencieuse : la vague éducative mondiale
Si le ralentissement de la croissance dans les économies développées semble inévitable, il serait pourtant réducteur d’adopter une lecture uniquement pessimiste de l’avenir. Car dans l’ombre de cette décélération, une transformation profonde et porteuse d’espoir est déjà à l’œuvre : la montée spectaculaire du niveau d’éducation dans les pays en développement.
Ce phénomène, que la Banque mondiale qualifie de “vague éducative”, pourrait bien bouleverser la structure du marché mondial du travail, et, avec elle, les grands équilibres économiques de demain.
Les chiffres sont éloquents. En 2011, on recensait environ 1,66 milliard de travailleurs qualifiés à l’échelle mondiale, c’est-à-dire des actifs ayant suivi au moins neuf années de scolarité. En 2040, ce chiffre devrait atteindre 2,16 milliards, soit une progression de 30 % en moins de trois décennies. Mais ce qui retient surtout l’attention, c’est le déplacement géographique de cette main-d'œuvre instruite : alors qu’en 2011, la moitié des travailleurs qualifiés provenaient de pays développés, ils ne représenteront plus que 30 % en 2040. En parallèle, la part des pays émergents et en développement dans cette population qualifiée passera de 50 % à plus de 70 %.
Ce basculement ne relève pas d’un simple effet de masse. Il traduit une transformation structurelle du capital humain dans le Sud global. D’ici à 2030, estime la Banque mondiale, chaque travailleur qualifié issu d’un pays développé sera en concurrence avec trois homologues tout aussi qualifiés issus des économies en développement. Il s’agit d’un choc comparable, dans ses effets, à celui provoqué par l’ouverture de la Chine et de l’Inde à l’économie mondiale dans les années 1990.
Cette montée en compétence ne se produit pas en vase clos : elle coïncide avec un autre levier puissant de croissance dans ces régions, à savoir une dynamique démographique encore favorable. Plusieurs pays d’Asie du Sud, d’Afrique subsaharienne ou d’Amérique latine conjuguent aujourd’hui trois facteurs clés : une population jeune, une scolarisation en nette progression, et une urbanisation rapide. Ce triptyque constitue un terreau fertile pour une croissance soutenue à long terme, à condition que ces évolutions s’accompagnent d’un accès élargi à l’emploi, à l’innovation et à des infrastructures adaptées.
Autrement dit, la croissance mondiale ne disparaît pas : elle se déplace. Elle migre là où les talents se forment, là où les populations s’éduquent, là où les marchés du travail s’élargissent. Cette transition, encore trop peu intégrée dans les stratégies d’investissement classiques, représente un enjeu majeur pour les décennies à venir. Les investisseurs capables d’en percevoir les signaux faibles pourraient bien bénéficier, à long terme, de ces nouvelles dynamiques de croissance mondiale.
Trois zones appelées à redessiner la carte de la croissance mondiale
Alors que les grandes puissances économiques historiques voient leur potentiel de croissance s’éroder, plusieurs régions du monde s’affirment comme les futurs relais du dynamisme économique global. Ce basculement ne repose pas uniquement sur des taux de croissance ponctuels : il s’ancre dans des évolutions démographiques, éducatives et structurelles durables. Parmi ces zones, trois ensembles régionaux se distinguent par leur potentiel à long terme : l’Asie du Sud, l’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine.
a) L’Asie du Sud : l’émergence de la puissance indienne
L’Asie du Sud est aujourd’hui l’un des principaux foyers de transformation économique mondiale, et l’Inde en est le moteur principal. Avec une population désormais plus nombreuse que celle de la Chine, l’Inde combine plusieurs atouts structurels qui en font une puissance montante de premier plan :
• Une démographie favorable, avec une majorité de la population en âge de travailler ;
• Une industrialisation accélérée, encouragée par des politiques publiques volontaristes ;
• Une montée en puissance technologique, notamment dans les services numériques, les télécoms et les fintechs.
Le pays devrait maintenir une croissance économique soutenue au-delà de 6 % par an d’ici 2030, selon les projections de la Banque mondiale et du FMI. Cette dynamique est renforcée par l’émergence rapide d’une classe moyenne instruite, urbaine et digitalisée, qui stimule la consommation intérieure.
Autour de l’Inde, d’autres pays comme le Bangladesh ou le Vietnam suivent une trajectoire similaire. Ils s’intègrent progressivement dans les chaînes de valeur internationales, grâce à une main-d’œuvre jeune, bon marché, mais de plus en plus qualifiée, ce qui renforce leur attractivité pour les investisseurs industriels comme financiers.
b) L’Afrique subsaharienne : le continent des possibles
Longtemps absente des radars des investisseurs, l’Afrique subsaharienne attire désormais l’attention des analystes pour des raisons structurelles puissantes. Elle dispose de l’un des potentiels démographiques les plus prometteurs au monde. Près de 60 % de la population y a moins de 25 ans, un chiffre sans équivalent à l’échelle mondiale.
Parallèlement, la scolarisation progresse rapidement, notamment dans des pays comme le Kenya, le Ghana ou le Rwanda, qui développent activement des écosystèmes numériques et entrepreneuriaux. Cette jeunesse scolarisée alimente une dynamique urbaine accélérée : d’ici 2050, plus de la moitié des Africains vivront en ville, générant une explosion de la demande en infrastructures, en services et en logements.
Certes, les défis sont nombreux : gouvernance, corruption, instabilité politique, infrastructures insuffisantes. Mais le potentiel de croissance à long terme est immense, à condition que les trajectoires de développement soient accompagnées d’investissements durables et d’un accès plus large aux marchés mondiaux.
Pour l’investisseur de long terme, l’Afrique subsaharienne représente ainsi une zone stratégique à suivre avec attention, notamment via des véhicules d’investissement diversifiés ou des ETF spécialisés.
c) L’Amérique latine : une résilience méconnue
Souvent perçue comme instable ou trop dépendante des matières premières, l’Amérique latine souffre d’une image d’investissement encore pénalisante. Pourtant, plusieurs signaux positifs indiquent un renforcement de ses fondamentaux économiques.
Des pays comme la Colombie, le Pérou ou le Brésil bénéficient d’un tissu entrepreneurial dynamique, d’une jeunesse mieux formée qu’auparavant, et d’un accès croissant aux marchés internationaux. Surtout, les politiques macroéconomiques sont devenues plus rigoureuses, avec une meilleure gestion des déficits et de l’inflation, qui renforce la stabilité financière.
Par ailleurs, la région dispose d’atouts stratégiques dans le cadre de la transition énergétique. Elle est riche en matières premières critiques (lithium, cuivre, hydrogène vert) et pourrait devenir un acteur central de la production d’énergies renouvelables. Cet atout pourrait relancer une croissance plus inclusive et soutenue dans les années à venir.
Enfin, l’émergence d’une classe moyenne éduquée et consommatrice représente un levier majeur pour la croissance intérieure. Dans un monde où la demande est appelée à se réorienter vers les pays du Sud, l’Amérique latine pourrait bien jouer un rôle plus important que ce que les portefeuilles actuels ne reflètent.
Repenser l’allocation géographique
L’essor des ETF a offert aux investisseurs une solution simple et peu coûteuse pour accéder aux marchés boursiers mondiaux. Mais derrière cette promesse de diversification se cache une réalité plus nuancée : dans la majorité des cas, les portefeuilles sont massivement concentrés sur les économies développées, et notamment sur les États-Unis.
Une diversification en trompe-l'œil
Prenons l’exemple de l’un des indices les plus utilisés pour structurer des portefeuilles mondiaux : le MSCI World. À première vue, son nom laisse penser à une exposition globale. En réalité, cet indice ne couvre que les 23 marchés dits "développés" : États-Unis, Canada, Europe occidentale, Japon, Australie, etc.
Les pays émergents n’y figurent pas du tout. Ni l’Inde, ni la Chine, ni le Brésil, ni l’Afrique du Sud. Résultat : le MSCI World est dominé à plus de 66 % par les actions américaines, avec une forte pondération du secteur technologique. L’Europe y représente environ 25 %, et le Japon quelques pourcents.
Pour une exposition réellement mondiale, il faut se tourner vers le MSCI ACWI (All Country World Index), qui combine à la fois les pays développés du MSCI World et les pays émergents du MSCI Emerging Markets. Mais même dans cet indice plus large, la pondération des marchés émergents reste relativement faible, autour de 11 à 12 %, bien en dessous de leur poids démographique et de leur potentiel de croissance à long terme.
Ce biais historique s’explique en partie par la profondeur des marchés financiers dans les pays développés, la stabilité juridique et la meilleure gouvernance des entreprises cotées. Mais il conduit aussi à une vision figée du monde économique, qui ne reflète plus les dynamiques démographiques, éducatives et productives en cours.
Réconcilier vision macroéconomique et allocation d’actifs
Investir, c’est aussi anticiper. Si les zones qui concentrent l’essentiel du capital humain de demain, de la consommation émergente, et de l’innovation future sont sous-représentées dans les portefeuilles, c’est peut-être le moment de réinterroger cette répartition.
Cela ne signifie pas qu’il faille abandonner les États-Unis ou l’Europe – loin de là. Ces marchés restent incontournables, notamment en termes de solidité réglementaire, de liquidité et d’innovation technologique. Mais leur poids relatif dans l’allocation globale mérite d’être réajusté dans une optique de long terme.
Concrètement, cela peut passer par :
• L’intégration ciblée d’ETF émergents globaux, suivant des indices comme le MSCI Emerging Markets ou le FTSE Emerging, qui offrent une exposition diversifiée à plusieurs continents (Asie, Amérique latine, Afrique) ;
• L’ajout d’ETF régionaux spécialisés, centrés par exemple sur l’Inde, l’Asie hors Chine, l’Afrique, ou l’Amérique latine, en fonction des convictions de l’investisseur ;
• Le recours à des ETF thématiques ou smart beta, axés sur des tendances de fond telles que l’éducation, l’urbanisation, les infrastructures, ou encore la transition démographique dans les pays en développement.
Dans tous les cas, il convient de porter une attention particulière à la structure de l’indice, à la pondération réelle des zones géographiques, aux frais de gestion et à la liquidité de l’ETF concerné.
En matière de gestion patrimoniale, il ne s’agit pas d’anticiper le prochain trimestre, mais de préparer les vingt prochaines années. Et pour cela, la géographie des investissements compte autant que leur nature.
Conclusion : L’avenir appartient aux zones qui s’éduquent
Pendant longtemps, les marchés développés ont représenté l’alpha naturel des portefeuilles : stabilité, innovation, profondeur financière. Mais le monde change, lentement mais sûrement. Alors que les moteurs traditionnels de la croissance s’essoufflent, d’autres régions du globe commencent à prendre le relais, portées par une démographie dynamique, une montée rapide en compétence et l’émergence d’une nouvelle classe moyenne mondiale.
Ce basculement n’est pas anecdotique. Il est structurel. Et surtout, il est déjà en marche.
Les investisseurs qui souhaitent bâtir une allocation de long terme cohérente avec les grandes tendances du XXIe siècle ne peuvent plus se contenter de reproduire les schémas passés. Ils doivent intégrer dans leur stratégie les signaux forts de demain : la “vague éducative” dans les pays du Sud, la progression de la productivité humaine, la transformation des pôles de consommation.
Cela ne signifie pas prendre des risques excessifs, ni délaisser les marchés développés, qui conservent une place essentielle dans tout portefeuille équilibré. Mais cela suppose de sortir d’une vision statique, et de réinterroger régulièrement la géographie de ses placements, en fonction des transformations économiques en cours.
Investir via des ETF, c’est aussi choisir une vision du futur. Et la vraie question n’est plus « où les entreprises sont-elles aujourd’hui ? », mais bien : « où la croissance est-elle en train de naître ? »